PRESSE

FESTIVAL PASSAGERS DU RÉEL 2020

LA 3ÈME PORTE À GAUCHE OU LES EU-TOPISTES DU RÉEL

20/09/2016

Friande des apéros dans les petits coins cachés Bordelais, me voilà embarquée par ma coloc, spécialiste en la matière pour une projection de La Nuit et l’Enfant dans l’antre mystérieuse de la 3ème Porte à Gauche…
J’y découvre un lieu plutôt douillet, où le spectateur se love dans de grands canapés, tout prêt à dégainer son polochon si bataille il y a… Non, n’oublions pas, on vient découvrir La Nuit et l’Enfant, un film documentaire/fiction tourné en Algérie, dans les saisissantes montagnes de l’Atlas. C’est l’histoire d’une quête, tout au long de nuits, l’histoire d’une fuite dans laquelle le souvenir est omniprésent, c’est aussi un conte, celui qu’écrit ce jeune garçon, embarqué tel un baluchon sur le dos de Lamine, l’homme qui a inspiré le film.
David Yon, réalisateur du film, est là, invité par l’équipe de la 3ème Porte à gauche et un vrai bon de temps de débat s’instaure à la fin de la projection, sous couvert de fraises à la chantilly, il parait que ça délie la parole…
Charmée par cet endroit léger, attentif et avant tout humain, j’ai rencontré Christophe et Adrien, membres fondateurs de la fameuse « third left door » pour aiguiser ma et notre curiosité !

Christophe et Adrien, racontez moi votre aventure !

On est avant tout des réalisateurs de films documentaires. Ayant fait des études dans le domaine des sciences humaines, avec une soif de voyages et de rencontres, on a rapidement cherché les liens entre les sciences humaines, le voyage et cinéma.
On n’a donc pas de formation à proprement parler dans la réalisation de films ; en créant notre structure (en novembre 2005), on a rapidement commencé à apprendre sur le tas, sur la prise de vue et le montage. On apprend grâce à des conseils, des essais… et puis tu te professionnalises petit à petit, tu apprends à utiliser l’outil caméra, pour parler du monde. C’est un super moyen de médiation et ça collait avec nos envies du moment : l’aventure, la rencontre, une envie de parler du monde, de poser un regard.

Quand j’étais plus jeune (Christophe) je voulais être écrivain et explorateur, et puis je me suis dis que faire des films serait peut-être plus simple !
On est partis très spontanément, ce qui nous a aussi donné la permission de prendre le temps pour mûrir l’objet cinéma… en s’inspirant beaucoup de ce qui nous touchait, nous inspirait, notamment le cinéma iranien, le néoréalisme italien…
Cette spontanéité nous a aussi permis de vivre des aventures auxquelles on ne s’attendait pas : on s’est vus embarquer avec un trafiquant de voitures qui voulait relier la Bretagne à la Mauritanie, il avait besoin de conducteurs pour son convoi. Nous on était partants, on a accepté de l’accompagner, et en échange, il nous a autorisés de faire son portrait tout au long de cette traversée.
On a aussi rencontré une femme qui venait de construire une école au Sénégal, que l’on a suivie au pays, et là on a eu la chance de découvrir le petit village de Bakadadji, qui est devenu l’épicentre de Jikoo, la chose espérée, terminé en 2014, premier film documentaire de l’association, largement diffusé.

Et d’où vous vient le nom?

À l’époque où on voulait créer notre structure, on a pensé à toutes ces administrations où on te ballade jusqu’à la troisième porte à gauche au fond du couloir. On s’est dit que si on ne pouvait passer par la voie royale, on passerait par la petite porte. Et puis on était 3. Enfin, le côté absurde du nom fait sourire les gens et ils le retiennent facilement.

Au sein de l’association, vous menez plutôt un travail de réalisation, de diffusion ou production de films documentaires?

L’association nait en 2005, mais en réalité on a passé une grande partie de notre temps au Sénégal, jusqu’en 2012. Durant ce temps, on a continué à travailler sur des films institutionnels, notamment pour des ONG, en Afrique de l’Ouest. On travaillait essentiellement sur des films de commande, une activité qui nous permettait de reverser une partie des gains dans l’association. C’était aussi un monde en plein essor, avec un vrai besoin de communication visuelle.
En 2012, on a enchaîné deux tournages de long-métrages… et deux ans plus tard on a rencontré Marthe, vidéaste qui a intégré l’association. Et puis, on a commencé à louer le local dans lequel nous nous trouvons. C’était aussi la sortie de notre film Jikoo, la Chose espérée, qui a gagné le prix anthropologie du Festival International Jean Rouch.
Aujourd’hui, on travaille sur la forme associative de notre structure. Dans le paysage culturel, l’association de production cinématographique est très peu reconnue. Jusqu’aujourd’hui, on reste accrochés à ce modèle, c’est à nous de trouver une forme innovante, alternative, en fédérant des ressources.
En termes de ressources, on a mis en place un studio d’étalonnage et un studio son est en cours de construction. On travaille avec un technicien son, d’étalonnage et une monteuse réalisatrice. Grâce à cette mutualisation des compétences, on a pu développer des moyens humains et techniques, en essayant de compenser le manque de possibilités avec les guichets de production classiques. On est encore à un moment de structuration qui nous pose beaucoup de questions sur le fonctionnement, le fléchage des aides dans le domaine cinématographique. On avance et on apprend.

Vous avez une réelle envie de transmettre et de partager…

Oui ! On essaie de faire voir des films, d’établir un relai entre des films qui parlent du monde et d’aller chercher des publics, de générer des choses autour de ces films. C’est en cela que le système associatif que l’on a choisi est adapté à notre action. On anime auprès de différents publics des temps d’éducation à l’image, de formation, de diffusion…
On arrive à un moment charnière, où l’on sent qu’il faut que l’on élargisse notre action, que l’on apprenne à structurer notre travail, en produisant mieux nos films, en continuant ces actions de sensibilisation, d’éducation, d’aide à l’écriture pour les réalisateurs…
En fait, il faut que l’on grandisse, que d’autres nous rejoignent, que l’on fédère un vrai réseau, que l’on devienne une vraie force collective. C’est le collectif qui construit.

Comment choisissez vous les films que vous diffusez?

On a tout d’abord des sollicitations de quelques réalisateurs qui nous connaissent, ou qui ont entendu parler de nous… Pour La nuit et l’enfant, le film de David Yion que tu as vu, notre Président Sofiane, a eu un coup de cœur lors de sa diffusion à Lussas (Les états généraux du film documentaire) et a contacté le réalisateur, pour une projection avant sa sortie en salle. C’est une belle rencontre avec David, on espère pouvoir continuer à travailler ensemble, de fédérer nos réseaux.
On essaie de diffuser des films exigeants, qui offrent au public l’expérience de la diversité du cinéma documentaire, un cinéma très imaginatif et qui se prête à de multiples formes… Il faut en quelque sorte oser trouver la forme qui va raconter… On s’intéresse avant tout à un cinéma social, ethnographique. La démarche de l’ethnologue est proche de celle du documentariste, avec souvent de longues périodes d’immersion pour restituer un univers. Cette démarche d’ethnologie visuelle fait partie de notre identité. Il s’agit avant tout d’une visée attentive, de compréhension, décryptage et mise en tension, de parler de manière sociologique du monde. Avoir une certaine fidélité à la réalité. À travers des cas particuliers, des cas d’école, trouver dans le petit détail le coté universel de la situation.

Via notre site internet, on essaye de diffuser des films de jeunes réalisateurs qui ne font pas partie de notre collectif mais qui ont une démarche similaire à la nôtre. On met aussi à disposition nos films de commandes, nos productions, et la vidéothèque, qui a pour but essayer d’ouvrir un panel sur les potentialités du cinéma documentaire. Internet peut aussi être le lieu d’une rencontre avec des films pertinents et qui n’ont pas forcément beaucoup de visibilité.

Tiens, une question qui me taraude depuis de début de notre rencontre : Elle vous vient d’où cette envie de faire des films?

Elle vient avant tout d’une nécessité. Envie de dire le monde. Je me suis longtemps posé la question du rôle de ma vie (Christophe). A priori, l’existence ne sert à rien. En revanche, si j’arrivais à donner des bribes de ce moment où j’étais sur Terre, cette étincelle entre deux abîmes, à transmettre quelque chose de l’époque dans laquelle j’ai vécu, du monde tel que je l’ai trouvé, ce pourrait être un début de réponse à ma question. Et puis, on est actuellement dans des temps où l’information est asséchée, créant des tensions communautaires, la peur de l’autre… On se dit que si on pouvait contribuer à donner une matière qui peut faire réfléchir, rendre un peu plus complexe ce qui est très simplifié par des intérêts de pouvoir, économiques, etc., on toucherait à quelque chose d’intéressant. On aurait peut-être un rôle à jouer. Comment faire? C’est compliqué. Il faut garder cet espoir que l’on peut changer quelque chose.
Chercher un moyen de faire du plaidoyer et que des films puissent servir des mouvements sociaux. Malheureusement, les moyens sont encore faibles. Il s’agit avant tout d’essayer d’informer… La désinformation entraine un énorme fatalisme auprès de la population et c’est assez regrettable. Individuellement ça ne sert pas, mais si on réussit à construire collectivement…
Quand on voit l’impact d’un film comme « Merci patron » et des mouvements qui se sont créés autour de cette action, on se dit que oui, il faut essayer de redonner au citoyen la possibilité de maitriser sa vie, de croire de nouveau à sa puissance. Bien sûr, à notre échelle on ne dit pas que l’on a réussi, mais on a en tout cas le sentiment de progresser.

Vous avez l’impression d’être un peu utopistes?

Certains disent qu’ils ne faut pas être utopistes mais eutopistes, en opposition au caractère négatif de l’utopie. Il faut chercher le bon. On a fêté il y a quelques semaines les 80 ans des congés payés, et il y a 90 ans on devait prendre ces mecs là pour des utopistes…

Moi (Adrien), j’envisage une démocratie plus directe et participative, c’est dans cette direction que j’ai envie d’aller. Je ne le verrai probablement pas de mon vivant mais je reste convaincu qu’un projet social est possible.

J’ai le sentiment (Christophe) que s’il faut agir, c’est maintenant. Aujourd’hui, on est de plus en plus dans une société de contrôle, des états autoritaires dans un monde violent avec des enjeux sociaux et environnementaux très forts. La réalité comporte un caractère glauque. Quant au futur, c’est à nous de le définir. Bien sûr qu’il faut imaginer des possibles ! Et arriver à les rendre pratiques, utiles. On a eu un statut très précaire pendant longtemps, et en même temps, au delà de cette précarité, on a vécu un rêve. Naïvement, tu penses au début que tu peux faire un film génial qui va changer le monde et puis progressivement tu apprends que finalement beaucoup de belles choses ont été faites avant toi, qu’il faut s’en nourrir.

Pourquoi est-ce qu’on est si bien accueillis chez vous?

Peut-être parce qu’on essaie de faire en sorte que les gens se sentent bien. On essaie de faire avec les moyens du bord, de ne pas croire que l’argent fait tout. Et on fait confiance à l’énergie qui s’y trouve.

Pour retrouver toutes les infos de la saison, les ateliers, les documentaires de créations réalisés, la vidéothèque… rendez-vous sur le site internet et leur page facebook.

Les évènements à venir?

La 3ème porte s’est vue confiée l’organisation du Hors Les Murs Bordeaux du Festival International Jean Rouch / festival du film ethnographique. Ça se passera en février 2017, ici à Bordeaux. On y retrouvera des projection des films restaurés du grand Jean Rouch et la sélection de l’année du festival, mis en place avec le réseau des bibliothèques de Bordeaux, le Musée d’Aquitaine, l’Utopia et le Marché des Douves.

Karima Safri

NOS FILMS PRÉFÉRÉ EN 2015

17/01/2016

Autre film de lutte. On est au Sénégal, à Bakadadji. Le village a été enfermé dans un parc naturel pour touristes en manque de safari. Les paysans sont désormais moins protégés que les bêtes sauvages qui en ravagent les cultures. Les subventions internationales pleuvent, engraissent des potentats. On mendie l’argent et le droit de lever une clôture autour des champs. Mais rien ne vient, que des casquettes de gardiens. Je pleure rarement au cinéma et suis devenu très mauvais spectateur de l’exotisme, ce poison du documentaire. Tout était là pour faire de l’esthétique facile. Mais les deux réalisateurs ont trouvé la distance juste. Parce qu’il rappelle Holyfield Holy War de Lech Kowalski (2014) sur la résistance à la prospection des gaz de schiste en Pologne ou Le Vent de la révolte de Alessi Del Umbria (2015) qui souffle contre les champs d’éoliennes au Mexique, Jikoo, la chose espérée appartient peut-être à une famille de films : désastres de la mondialisation et grandes prédations. Chaque œuvre pèse à sa façon ce que vaut encore le collectif face au raz-de-marée du profit. Un seul regret, le film de Christophe Leroy et Adrien Camus fait 52 minutes, c’est rarement la bonne durée pour un film et celui-ci méritait, me semble-t-il, d’être un peu plus long.

Patrick Taliercio

DOCUMENT HUMAN RIGHTS FILM FESTIVAL COORDINATOR’S PICK: Jikoo, A Wish

16/10/2015

Document Human Rights Film Festival coordinator Cayley James gives her pick of the programme on launch day in Glasgow

JIKOO, A WISH was one of the first films I watched during the programming of Document and I haven’t stopped thinking about it since. Part nature documentary, part portrait, Christophe Leroy and Adrian Camus look at small-plot Senegalese farmers going up against the bureaucracy of a nature reserve is a heartbreaking case study of what we value in the 21st century. The content of so many of our submissions films can be heavy handed and emotionally draining but what really stays with me are the quiet films, where the politics of a situation can be summed up with a single expression. Films like This is Exile and Honey on Wounds will undoubtedly stay with you for years because they don’t wallow in pain. Instead, they emphasise the everyday struggle and universal nature of their subjects.

The conflict at the centre of Jikoo is a fence. The filmmakers follow two farmers, Souleymane and Dianounou, living in Bakadadji, whose fields are within the borders of a national park. They are seeking funds to build a fence to keep warthogs out of their fields so their crops can grow. The people who manage the park don’t want to interfere – on account of ecotourism and conservation efforts that protect the animals – despite the farmers and their communities having been there longer than the park itself. There are no knock down drag out fights between the locals and the authorities. In fact, there’s barely action at all. Highlighting the apathy of the authorities and the quiet conversations between locals, it is an astute meditation on the importance of sustainable economies and traditional methods. The central character frets about not being able to pass his work on to his son while the wardens aren’t interested in fostering a local agricultural economy. Instead, they’re invested in the lure of eco-tourism to the region with the locals playing a role for the western dollar. The filmmakers explained that they made Jikoo « in order to portray rural society as people attempt to keep up with the times, and to situate it in the context of forces for change ». The tension between these polar positions can be easily extrapolated to the discussion of contemporary economics the world over. Tourism is an insidious form of modern colonialism, where land is still of more value then the people who call it home. The filmmakers explained that they made Jikoo « in order to portray rural society as people attempt to keep up with the times, and to situate it in the context of forces for change ». As much as it’s a comment on the short-sightedness of western values, Jikoo is equally a critique of traditional nature documentaries, a medium where there is still a very obvious use of the imperial gaze, a point of view that doesn’t engage with the communities who inhabit a landscape. Rather, the camera exploits and emphasises the sublime for optimal emotional impact. Although Leroy and Camus capture the natural beauty of Senegal to astonishing effect, the land is not aestheticised for the pleasure of the audience. The power imbalance and the struggle for respect is at the heart of the film and it’s the people and their work that stays with you.

Watching Jikoo, I was reminded of the re-emergence of crofting communities in the north of Scotland and the challenges they’re meeting in attempts to establish a new generation of small-plot farmers. Crofters around the world have been working together over the past couple of years with projects like Hungry for Rights, looking at alternative food systems through collaborative projects around the world, with bases as diverse as Italy, Lithuania, Cyrpus, Scotland and Senegal. Projects such as these are hopefully proof that there are winds of change blowing in the right direction. Jikoo, A Wish will be screening as part of the Crofting double bill at Document this Saturday at the CCA. It will be preceded by the short film Mulheres, which looks at the lives of women farmers in Mozambique. It is also nominated for the International Jury Prize. Members of the Scottish Crofting Federation will be on hand following the screening to talk about their first hand experience in Senegal as well as the work going on in Scotland. Crofters around the world are looking at the future of not just sustainable farming but communities as well.

James Cayley

CLAP NOIR

25/08/2015

Au nom de la nature

Le delta du Saloun au Sénégal classé réserve de bio­sphère, puis zone humide d’impor­tance natio­nale, s’est fina­le­ment retrouvé Patrimoine Mondial de l’Humanité, avec créa­tion d’un parc natio­nal à l’appui. Bouleversement radi­cal pour le vil­la­ges du delta. Les bruits cou­rent que les pro­jets seraient finan­cés par des orga­nis­mes mon­diaux, que l’argent déversé n’arri­ve­rait jamais jusqu’à la base. C’est dans ce contexte que Christophe Leroy et Adrien Camus ins­tal­lent leur caméra et sui­vent au plus près les préoc­cu­pa­tions des agri­culteurs, tou­jours plus pau­vres, car ils ne peu­vent, désor­mais, vivre de leur tra­vail.
La faute aux pha­co­chè­res qui, de sau­va­ges et crai­gnant les hommes sont deve­nus fami­liers depuis que les écogardes les nour­ris­sent et les pro­tè­gent. Ils détrui­sent les champs d’ara­chi­des qui assu­raient un revenu mini­mum aux pay­sans. « Pas grave répon­dent les chefs du parc, bien­tôt vous vivrez du tou­risme », « mais nous ne vou­lons pas courir après les blancs.. », pro­tes­tent les vil­la­geois.
Contre l’ennemi, le porc sau­vage et vorace il y aurait bien des solu­tions : les pièges ou un bon coup de fusil, mais c’est inter­dit, et des grilla­ges, mais c’est cher. Tout tourne autour de cette demande aux auto­ri­tés : du grillage pour pro­té­ger leurs cultu­res, assu­rer leur survie. Et le chef du vil­lage man­daté par la com­mu­nauté ira par deux fois deman­der au colo­nel res­pon­sa­ble du parc de pren­dre en compte sa requête sans jamais y par­ve­nir. De ses ten­ta­ti­ves, on n’en verra que de l’attente et les sala­ma­lecs d’usage. Preuve que cet espoir n’a jamais existé . « La Chose Espérée » est l’his­toire d’un rendez vous manqué.

Il aura fallu six ans aux deux réa­li­sa­teurs pour rendre compte en images de la lente dérive de cette com­mu­nauté sou­mise à une pré­ca­rité qui s’aggrave. Six ans de longs séjours au vil­lage, se faire accep­ter, appren­dre la langue, par­ta­ger le quo­ti­dien, témoi­gner de leur loyauté… Ces deux bor­de­lais arri­vés en Mauritanie au volant de tacots à livrer à Nouakchott, n’ont, en fait, jamais quitté le conti­nent afri­cain, tour­nant le dos au cursus que leurs études supé­rieu­res leur pro­met­taient. Fondus dans le pay­sage, de pré­fé­rence séné­ga­lais, ils le par­cou­rent au gré du vent et des ren­contres.
Attentifs et libres, ils se sai­sis­sent d’une caméra pour mieux conter et ont créé leur propre maison de pro­duc­tion de docu­men­tai­res, La Troisième Porte à Gauche, leur devise : filmer le vif dans l’épaisseur du temps. Leurs films sont de peti­tes grai­nes de liberté. De celles qui peu­vent un jour pous­ser haut.
Et c’est ainsi que nous sui­vons, tout au long de Jikoo, les pen­sées qui agi­tent Souadou tandis qu’il se déplace des champs au vil­lage, à tra­vers sa belle nature confis­quée. Il parle, il compte, il fait des pro­jets, tel Perrette : « si je gagne 50000­frs, avec la chaux j’achè­te­rai des semen­ces d’ara­chide, et je pour­rai ache­ter le bois de char­pente pour finir la maison, mais l’argent de la chaux ne suffit pas , si nous trou­vions des grilla­ges nous aurions de beaux champs, si on me prê­tait 2 mil­lions sur 5 ans je pour­rais rem­bour­ser…il vaut mieux plan­ter du mil que du riz, mais ils doi­vent nous aider… » tandis qu’il va pren­dre son tour de garde sur le mira­dor, que les enfants chas­sent les oiseaux et par­fois les font rôtir et que, malgré les guet­teurs, les pha­co­chè­res conti­nuent leur œuvre des­truc­trice. « On tra­vaille pour rien , aucune loi ne dit que les ani­maux doi­vent vivre aux dépens des popu­la­tions » « Nous vou­lons vivre de la terre, c’est notre culture », comme un disque rayé, encore et tou­jours et le chef du vil­lage tris­te­ment bre­douille : « J’ai appris que le parc n’était pas là pour nous ».
Scène sur­réa­liste, celle où le colo­nel ser­monne ses fraî­ches trou­pes d’écogardes avant la dis­tri­bu­tion des uni­for­mes : « Le monde se divise en deux caté­go­ries, les lea­ders et ceux qui ten­dent la main, et main­te­nant dans quelle caté­go­rie êtes vous ? ». Et de leur insuf­fler la fierté d’une fonc­tion (bien mal défi­nie) qui les élève au dessus des pay­sans. Pleurer de rire, pour ne pas pleu­rer !

C’est la patte de ces deux réa­li­sa­teurs, filmer au plus près, sans effet de man­ches, sans com­men­tai­res, la seule voix off, celle de Souleyman, en boucle. Si fami­liers avec leurs per­son­na­ges, après toutes ces années, qu’après avoir recueilli leurs témoi­gna­ges les plus secrets, ils n’osent plus les rendre publics, par peur des repré­sailles pour le vil­lage…Dénoncer une situa­tion, est-ce tou­jours rendre ser­vice ? Personne au Sénégal n’a vu le film, même pas les vil­la­geois qui se sont confiés après de lon­gues hési­ta­tions.. L’équipe de la Troisième Porte à Gauche repart au Sénégal, un film à finir, un autre en mettre en route…et des répon­ses à sur­veiller du côté du Parc National … Affaire à suivre

Michèle Solle – Gindou 2015

LE JOURNAL DE SAÔNE-ET-LOIRE

15/04/2015

La Cistude d’or pour un film sur les paysans sénégalais.

C’est le film d’Adrien Camus et Christophe Leroy, Jikoo, la chose espérée qui a obtenu la Cistude d’or, à l’unanimité du jury. La présidente s’est dite « extrêmement touchée par le lien tissé avec les personnages filmés ».

LA MONTAGNE

13/04/2015

La Cistude d’or attribuée au film Jikoo, la chose espérée.

Après quelques heures de délibérations, le jury, présidé par Marie Tavernier, a dévoilé le 26 e palmarès des Rencontres Cinéma Nature de Dompierre. À l’unanimité, le Grand Prix a été attribué à Adrien Camus et Christophe Leroy pour Jikoo, la chose espérée. Un film qui met en lumière le combat des habitants d’un village du Sénégal cherchant à trouver des financements pour leurs clôtures.

SUD OUEST

15/11/2014

Quand la société interroge…

Certains films interrogent sur la société. C’est le cas de « Jikoo, la chose espérée », projeté jeudi 13 novembre au cinéma le Forum. Les discussions, à l’issue du film, entre les spectateurs et Christophe Leroy, l’un des coréalisateurs, en témoignent.

Le cinéaste, originaire d’Angers et vivant à Bordeaux, après des études de sociologie et de philosophie, a toujours voulu faire du cinéma et aime les voyages. Ce film allie ses passions. Il se déroule au Sénégal, dans un village où les paysans revendiquent des clôtures grillagées pour protéger leurs cultures des dégâts occasionnés par des prédateurs. Des grillages garants d’une vie meilleure. Leurs interlocuteurs sont les responsables d’un parc national. Des revendications vaines, le réalisateur évoquant « l’incapacité des paysans à se faire entendre ».

Une expérience et un rapport de domination en somme, subis par ces paysans vivant dans un village condamné. Outre ces revendications, le cinéaste zoome sur le mode de vie de ces paysans, pas toujours facile, loin d’un monde matériel, leur attachement pour la terre de leurs ancêtres, le tourisme qui veut supplanter l’agriculture, les rapports entre générations, le prix à payer pour le progrès, etc. Autant de questions qui ont animé tardivement les discussions, le parallèle étant souvent fait avec la société… moderne.

LE RÉPUBLICAIN LORRAIN

19/05/2014

Jikoo n’en espérait pas tant.

Le festival Caméras des Champs, à Ville-sur-Yron dans le Jarnisy, s’est clôturé hier soir avec le premier Prix attribué à Jikoo, la chose espérée.

LE VILLAGE

19/05/2014

Un film esthétique, humain et politique.
SUD OUEST

18/09/2011

C’est une maison bleue dont on n’ouvrait les volets l’été que pour y accueillir les gendarmes et MNS pour la saison de plage. Depuis un an, la commune de Saint-Julien-en-Born la met aussi à disposition de jeunes réalisateurs, qui ont parfois été en compétition au Festival international de cinéma de Contis. Ils viennent ici peaufiner un projet de film, travailler sur un scénario ou la phase de postproduction. Ce dispositif d’accueil en résidence est soutenu par de nombreux partenaires (1). Il participe à l’œuvre de création nourrissant ce festival hors des sentiers battus.

Ils étaient quatre hier parmi les premiers « élus » à venir partager leurs expériences de résidents. Annarita Zambrano, jeune cinéaste romaine est loin d’être une débutante et une inconnue à Contis. Arrivée en France il y a dix ans pour y terminer son doctorat en esthétique du cinéma, elle est l’auteur d’une demi-douzaine de courts métrages. Elle a été la première lauréate d’une résidence d’écriture de scénario, mais cette fois pour un long-métrage de fiction « Fragments d’un siècle en fuite ».

Elle pouvait donc livrer quelques conseils à Jean Berthier, futur résident, pour son film « Instant de jeunesse ». Adrien Camus et Christophe Leroy ont, quant à eux, obtenu cette résidence et une bourse de 5 000 euros afin de pouvoir assurer la postproduction de leur documentaire ethnographique « Fan Nabara » tourné en Afrique.

Immersion totale

« C’est une résidence à destination de réalisateurs en situation d’écriture ou de postproduction, comme Adrien et Christophe. Ils sont venus monter leur film ici suite à un appel d’offres et après avoir été sélectionnés par un comité d’experts », explique Karine Dumas. La chargée de mission cinéma au Conseil général indique d’ailleurs qu’un nouvel appel sera bientôt lancé. C’est un temps offert aux créateurs, mais qui s’accompagne aussi en retour, localement, d’une participation à l’action culturelle en faveur du cinéma, et à un travail d’éducation à l’image auprès de tous les publics.

Adrien et Christophe ont expliqué avoir utilisé leur bourse pour travailler avec une monteuse, sur un « excellent matériel », précisent-ils. « Sur un mois, on n’a vraiment fait que ça et c’est important d’être totalement immergés, d’être coupés de tout lien avec son domicile et son quotidien. »

Annarita, quant à elle, a trouvé le lieu propice à l’écriture et à l’inspiration. « On se levait, on se promenait dans la forêt. L’hiver, ici, on n’avait rien à faire. Il fallait faire 20 kilomètres pour boire un café. Alors soit tu écris, soit tu écris. » La jeune Italienne a noué un lien très fort avec le département. « J’ai tourné à Bordeaux et puis j’ai obtenu une aide pour venir tourner ici au printemps. J’ai beaucoup aimé le lien que j’ai créé ici avec les gens. Voilà, je ne peux pas tourner en Italie alors je tourne dans les Landes !.»

Boîte à idées

Le dispositif n’en est qu’à ses balbutiements. Hier après-midi, lors de cet échange programmé dans le cadre du festival qui s’achève demain, des idées ont fusé. Comme la possibilité d’utiliser la bourse de 5 000€ pour la mettre dans un pot commun. Elle pourrait servir à bénéficier de l’encadrement d’un professionnel, lors de cette résidence artistique.

La représentante de la mairie de Saint-Julien a en tout cas signalé que la commune allait entreprendre des travaux dans la maison bleue pour assurer un peu plus de confort aux résidents. Un coup de pouce qui n’est pas négligeable pour une commune de 1 500 habitants l’hiver, mais qui reste attachée à ce festival concocté par Betty Berr et Rainer.

L’échange a suscité des questions très pratiques, à la fois concrètes et techniques, tant ce type d’encouragement n’est pas fréquent. Ainsi cet auteur d’un court-métrage de fiction sur l’autisme : elle est venue se renseigner sur les modalités de l’appel d’offres, qu’elle va sans doute guetter dès qu’il apparaîtra en fin d’année sur le site Internet du Conseil général Voilà, en tout cas, une maison bleue dont il ne faut pas perdre la clef.

(1) Le Département, la Drac, la Communauté de communes, la commune de Saint-Julien, en partenariat avec l’agence ECLA le cinéma de Contis et l’association Du cinéma plein mon cartable.

LIBÉRATION – TOULOUSE

12/07/2011

La quinzième édition du Festival Résistances à Foix (Ariège) propose jusqu’au samedi 16 juillet un panorama du cinéma et du documentaire engagé. De José Alcala aux frères Larrieu en passant par Maurice Failevic et Andrew Kotting, les réalisateurs invités s’interrogent sur le «modèle» économique, la Justice et l’injustice, l’accaparement des ressources naturelles. Vastes sujets traités hors des sentiers battus de la leçon de morale et des bons sentiments.

« Basse cour. Si l’on te donne, il faut prendre »,premier documentaire du réalisateur Adrien Camus, présenté le jeudi 14 juillet, est l’une des pépites de la programmation. Sans commentaires, filmé façon comédie italienne, où M. Seck, directeur d’école d’un village sénégalais, raconte sans vergogne comment l’argent qui lui est envoyé par une petite ONG française atterrit invariablement dans sa poche… Un jour, les membres de l’association arrivent à l’école. Le réalisateur se dit«attiré par le revers des bonnes intentions».

ENTRETIEN:

LibeToulouse : Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser à cette région du Sénégal ?

Adrien Camus : « Basse cour. Si l’on te donne, il faut prendre » s’est tourné au Sénégal, dans la réserve de biosphère du Delta du Saloum, un « modèle » importé du nord qui tente de concilier la conservation de la biodiversité à l’activité humaine. Depuis cette classification par l’UNESCO, cette région est envahie par les ONG. La première chose visible quand on arrive sur place est la multiplication, comme autant de publicités, des panneaux signalant la présence des ONG. Le dispensaire, le centre de pêche, les jardins maraichers, et bien sûr l’école, bénéficient tous de petites aides.

Cette arrivée a-t-elle modifié l’attitude des habitants?

Adrien Camus : Le concept de développement durable et la multiplication des ONG positionnées sur ce créneau ont forcément un impact sur les populations. Désormais, certains habitants courent après les ONG, comme d’autres courent après les touristes. Le directeur de cette petite école en est un exemple. Il sait ce qui plait, et ce qu’à envie d’entendre ceux qui sont venus aider l’école.

Dans le film, on assiste au débarquement des membres d’une association venue de France pour aider l’école du village…

Adrien Camus : Pour être franc, je m’attendais à ce que le directeur de l’école, soit mis en difficulté face aux nouveaux arrivants. Il s’est toujours si bien vanté de ses trafics que je me demandais comment il pourrait s’en tirer cette fois-ci. Je m’attendais à un échange de haute volée. Et j’ai vu arriver cette association française. Ils ne connaissaient pas la langue et ne restaient que quelques jours sur place. Aucun d’entre eux n’a songé à demander aux villageois ce qu’ils pensaient de la gestion de l’école et de son directeur. Le film montre le revers de certaines bonnes intentions et le jeu de dupe qui en découle, où chacun finit par y trouver son compte, celui qui donne comme celui qui reçoit, au grand sacrifice des populations locales.

Vous êtes très critique sur l’action des ONG dans cette région !

Adrien Camus : Je décris une situation. Libre à chacun d‘interpréter cette relation. J’ai bien sur mes convictions sur le sujet et j’avoue que c’est parfois choquant de voir que l’aide au développement profite essentiellement à ceux qui y travaillent, et donc aux cadres et experts du nord. D’autre part, les pays du sud, s’ils n’en ont pas directement les avantages, en subissent certains inconvénients, comme la relation inégale qu’induit l’assistance. La main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit.

Vous n’intervenez jamais dans le film…

Adrien Camus : Nous ne sommes pas dans le reportage. Il n’y a pas de questions, ni de commentaires. L’idée est de poser la caméra dans une situation qui nous semble pertinente. L’objectif est de permettre au spectateur de se faire ses propres conclusions. «La Troisième Porte à Gauche » le collectif qui produit ce documentaire est la réunion de réalisateurs autour d’un parti pris cinématographique. Le documentaire est, pour nous, une façon de dire le monde, de le sous-peser dans les pas de ceux qui le font ou l’habitent. Ce n’est pas l’individu pour lui même qui nous intéresse mais la situation qu’il découvre.

Quels sont vos projets?

Adrien Camus : Nous travaillons actuellement sur le montage de notre premier long métrage, “Fan nabara”. Christophe Leroy et moi-même avons tourné un film sur le quotidien d’un petit village sénégalais coincé au sein d’un parc national. Nous nous sommes immergés trois ans pour comprendre la vie de ces villageois au sein d’une zone de conservation de la nature. En parallèle de ce montage, nous avons commencé le tournage de notre deuxième long métrage, la campagne présidentielle sénégalaise dans les pas du leader écologiste Haidar El Ali.

Quelle est votre regard sur les récentes manifestations de protestation qui se sont déroulées à Dakar ?

Adrien Camus : En se révoltant contre les coupures d’électricité, les gens se révoltent avant tout contre la mauvaise gestion du pays et la corruption. Le vent de contestations qui soufflent dans bons nombres de pays, inspire aussi les sénégalais. Quant un président de 85 ans brigue un troisième mandat, et qu’il tente de modifier le mode de scrutin afin de conserver le pouvoir, le peuple est en droit de se poser la question de la légitimité de cette candidature et l’état de sa démocratie.
« Basse-cour. Si l’on te donne, il faut prendre » sera projeté au festival Résistance à Foix, le jeudi 14 juillet à 14h, salle 2.

Les films de la troisième porte à gauche sont visibles sur le net :http://vimeo.com/porteagauche

Propos recueillis par Jean-Manuel ESCARNOT